lundi 15 octobre 2012

Neuf... et après ?

Depuis neuf ans, même pour les plus "ignorants" d'entre-nous, le rallye n'occupait plus uniquement la rubrique faits- divers ! Plus besoin, d'un accident dramatique pour avoir les faveurs du vingt-heure.

Le responsable ce de miracle a marqué à jamais une discipline qui jusque là n'avait subit aucune hégémonie de cette ampleur. Sa médiatisation est telle qu'il est désormais devenu l'un des soi-disant sportifs préférés des français alors que sa discipline présente les résultats exactement inverse dans les sondages d'opinion en étant l'une des plus décriée ! La télé fait des malheurs...

Fin septembre, à peine une semaine avant sa manche du championnat du monde et de son probable 9e titre, ce champion jusque là si peu friand du jeu médiatique, cède face aux sirènes du "buzz" et annonce sa pré retraite.

En ce premier week-end d'octobre, place donc à un jubilé plus proche de la tournée d'adieu d'une rock-star que d'un réel challenge sportif !



Départ jeudi 4 octobre à 20h30 pour 6h de route jusqu'au coeur de la vallée de Munster, théâtre de la première étape. Après avoir franchi le col du Bonhomme, la traversée partielle de la 3e ES annonce déjà la couleur : les routes sont "normalement" déjà interdites à la circulation depuis la veille au soir... La descente du col de Wettstein est impressionnante : de part et d'autres des dizaines de camping-cars stationnés dans les prés, des buvettes déjà à l'oeuvre, des feux de bois dans tous les coins. Les places sont chères !

L'arrivée sur la première ES est identique : des véhicules stationnés partout où cela est possible. Des gendarmes débà bien zélés qui arpentent les bois, tentant de dissuader au maximum les campings sauvages. Après une partie de cache-cache, nous parvenons sur les coups de 3 heures à nous poser au milieu des bois pour quelques heures de repos bien mérités.

6h30. Un réveil plus tôt que prévu, la faute aux ouvreurs et à leurs échappements peut-être un peu trop libre...

9h23. Après un peu de randonnée sur les GR, nous parvenons à l'endroit souhaité pour ce premier passage. Le constat est navrant, les spectateurs ne semblent pas les bienvenus hormis dans les zones largement quadrillées par les forces de l'ordre... J'ai l'impression de venir assister à un PSG-OM ?! Cloîtrés dans quelques mètres carrés, nous sommes contraints de tailler (un peu en avance) les arbres nous cachant la vue !
Malgré cela, le maître et ses élèves passent les uns après les autres dans de belles dérives, ça doit être ça que l'on appelle la classe mondiale...


13h56. Deuxième tour. Changement de lieux avec un environnement toujours aussi bouché mais cette fois-ci uniquement par la physionomie de l'épingle ou nous nous trouvons. 50 mètres pas plus, pendant lesquels tous ces artistes vont nous donner une magnifique leçon de pilotage. Il n'y a clairement que les épreuves de ce niveau qui offrent une quantité aussi pléthorique d'artistes du volant et de virtuoses du frein à main. Tous enroulent ces 180° degrés de manière magistrale avec toutes fois des mentions spéciales à Al-Attiyah et Nobré qui sacrifie l'efficacité à la glisse... Pensée également à Arzeno pour son passage tout en puissance qui ne connaîtra malheureusement pas un sort comparable quelques minutes plus tard !

Une fois retourné à la voiture, nous patientons près d'une heure avant de tenter de réemprunter la route. Mauvaise idée puisque nous subissons une nouvelle fois (et pas pour la dernière) l'immense bêtise d'une organisation qui ne semble plus taillée pour un évènement sportif mais plus pour le déplacement d'un chef d'état ! J'ai de plus en plus l'impression d'être un terroriste...

Le retour sur la plaine d'Alsace est un véritable périple, d'énormes bouchons pour regagner les vignobles du Klevener pour une nuit dans la famille bien plus reposante...


Samedi 8h38. Au beau milieu du massif des grands crus, l'heure n'est pas aux vendanges. Pourtant, avec la foule déjà présente en cet horaire matinal, le travail aurait pu être rapidement achevé... C'est donc peut-être par compassion pour les exploitants au chômage technique, que l'ancien champion du monde Petter Solberg prête main forte, à sa manière, aux locaux.

Le premier vrai piège de cette ES pourtant bien visible s'est refermé sur lui. Un freinage en aveugle un peu trop tardif et le résultat de cet excès d'optimisme fait dès 13h la une de tous nos journaux nationaux, au grand dam de l'octuple champion du monde se faisant voler la vedette.

Clairement, une Ford Fiesta ne semble tout de même pas l'engin le plus pratique pour la récolte, puisque les grappes sont coupées un peu trop "à la base"... Ne parlons même pas de sa participation au travail d'ERDF un peu trop radicale !

Toujours est-il que malgré une bonne quinzaine d'années passées à arpenter les rallyes de France et d'outre-quiévrain, je n'avais jamais assisté à une telle scène... Je suis, toujours à aujourd'hui, partagé entre considérer P.Solberg comme complètement inconscient après qu'il ait foncé à travers les vignes sans aucune visibilité (le drame fût tout proche) et respecter cette mentalité de gagneur (malgré une carrière qui est désormais largement derrière lui) l'ayant poussé à demeurer pied au plancher !

Une fois l'ES terminée, nous prenons la route en direction d'Heiligenstein en prenant soin de faire d'énormes détours afin d'éviter les bouchons interminables des grands axes.

11h45. Sur place, nous constatons rapidement une foule bien plus importante qu'ailleurs... La proximité de Barr, Obernai et de l'agglomération strabourgeoise n'y est sans doute pas étrangère... Le matraquage médiatique que subit la région depuis plusieurs semaines va connaître ici son revers... L'affluence trop nombreuses de spectateurs pas toujours disciplinés entraîne l'annulation pure et simple du premier tour dans ce secteur chronométré.

C'est ce que l'on appelle le retour du bâton ! En cherchant par tous les moyens à rendre cette discipline accessible à tous, l'organisation se prend les pieds dans le tapis... La centaine de force de l'ordre présente sur les 10 kilomètres n'a pas été en mesure de gérer ce raz de marée et le vignoble a débordé !

14h38. Direction les hauteurs de Blienschwiller. Comme nous, beaucoup de déçu du Klevener se sont rabattus sur cette épreuve alors ça coince plus que de raison. Comme nous, les hommes en bleu de faction s'agacent et le ton monte. Nous, excédés par toutes ces routes et stationnement interdits qui nous contraignent d'être parqués comme des moutons, eux par les quelques brebis galeuses que compte ce troupeau...


Au moins 6 ou 7 rangés de spectateurs avant de pouvoir apercevoir la route, c'est du jamais vu pour nous. Les escabeaux que je promène constamment n'ont jamais été aussi utiles. D'ailleurs, l'affluence est telle que nombreux sont ceux qui échangent leur sourire narquois du début pour des regards envieux envers ceux qui, arrivés les derniers, bénéficient des meilleurs points de vue !


Malgré tout cela, c'est lorsque les artistes rentrent en scène que l'on relativise enfin les contraintes... Les bruits, les odeurs... en même temps que l'on se crée de nouveaux souvenirs, on se remémore du meilleur des existants.
C'est pour cela que l'on reste ici, en haut d'un escabeau, au bord d'une route cabossée à l'affût de passages d'anthologie qui resterons gravés.

Pas le temps, de rêvasser plus longtemps puisque afin d'éviter le gros des bouchons, nous prenons un peu d'avance sur le rush afin de rejoindre pour la seconde fois la spéciale de Klevener.


17h45. Force est de constater qu'en 6 heures les rangs se sont largement clairsemés... Avec une telle désertion, une nouvelle annulation est inenvisageable. En revanche, beaucoup semblent avoir noyé leur ennui dans la boisson.


Une nouvelle fois notre matériel fait fureur auprès des autochtones impatients de voir passer "leur" champion. Justement, l'hélicoptère qui le suit en rase-mottes apparaît. Comme à chacun de ses passages, impossible de discerner le bruit de la DS3 du rotor. La fluidité de ses passages donne rarement l'impression qu'il est le plus rapide, pourtant, le chronomètre ne peut pas mentir durant neuf ans... Pendant que tous ces adversaires frôlent ou dépassent leurs limites, lui poursuit sa route sans coups férir. Même les quelques gouttes annonciatrices du déluge du lendemain de l'intimiderons pas...

Après un passage arrosé par la fête des vendanges de Barr et une dernière nuit dans la famille permettant de digérer les excellentes tartes flambées, il est grand temps d'entamer la route du retour. Bien évidemment, ce retour passe inévitablement par la région d'Haguenau théâtre de la dernière journée du rallye. Direction donc le départ de l'ES de Bischwiller. Les trombes d'eau qui s'abattent sur la région ont eu raison de la plupart des néophytes. Pourtant, cette journée présente un enjeu capital pour la région et son pilote puisque le 9e (et probablement dernier) titre mondial pourrait être acquis ici, dans son jardin.



Alors même devant les sollicitations de ses fans, le roi doit demeurer dans sa bulle. Les conditions dantesques obligent à la plus grande prudence, tant les routes ont été transformées en d'immense piège, où chaque virage présente une adhérence différente selon la quantité de boue accumulée. Même avec la marge de sécurité qu'il possède (une trentaine de seconde sur Latvala), partir à la faute est un jeu d'enfant. Ses poursuivants plus détendus, car simplement à l'affût d'une erreur du maître, se prêtent plus volontiers aux sollicitations.

Imperceptiblement, la pression monte. France Bleue Alsace fait doucement mais sûrement monter la sauce qui doit atteindre son paroxysme sur les coups de 15h15 sur le parvis de la mairie d'Haguenau puis vers 17h au Zénith de Strasbourg.


De notre côté, nous nous éloignons plus encore de cette agitation en nous rendant plus au Nord sur les coteaux du Vignoble de Cleebourg pour l'antépénultième spéciale, faisant également office de Power Stage. Sur place, le tableau est surréaliste : les parkings (payants) ont été tracés dans d'immenses champs de maïs fraîchement coupés. Les pluies de la matinée ont transformé les lieux en patinoire, sauf qu'ici la boue a remplacé la glace et qu'aucun automobiliste n'est chaussé pour l'occasion... Payer 2 euros pour s'embourber c'est un peu cher ?! On trouve tout de même un moyen de ne pas rester prisonnier en laissant les roues motrices sur un terrain praticable.


Cette mésaventure annonce, en tout cas, la couleur pour ce qui attend les pilotes : le macadam a quasiment disparu, la boue l'a remplacé ! Même un Touquet ne se courre pas dans des conditions aussi dantesques. Alors, sur cette équerre, il y aura deux écoles : les prudents qui ne cherchent désormais plus qu'à rallier l'arrivée et les énervés qui tentent de glaner les points de la Power Stage. Le désormais futur champion se range dans les rangs de la première école quand d'autres comme Tanak, Latvala ou Ogier jettent leurs dernières forces dans la bataille.

Même en assurant au maximum, ces adversaires ne parviennent pas à le distancer. Un freinage bien avant tous les autres, un passage beaucoup trop propre est pourtant seules quelques secondes de retard au point stop ?! Il y a décidément un niveau d'écart entre le désormais nonuple champion du monde et ses suivants...


On peut désormais reprendre tranquillement la route, une oreille tout de même pendue à la radio. Mais aucune surprise n'interviendra... Le 9e est acquis ! Et maintenant ?

photos : Aude-Marie